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Syrie, Liban : traces de civilisations anciennes/2Visite à quelques sites remarquables

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Articles sur Syrie/Liban

Ce thème comprend les articles suivants :

– Syrie : brève histoire

– Syrie : les gens

– Syrie : Chrétiens et Christianisme

– Syrie : monastères et lieux de culte chrétiens/1

– Syrie : monastères et lieux de culte chrétiens/2

– Syrie/Liban : traces de civilisations anciennes/1

– Syrie/Liban : traces de civilisations anciennes/2

– Syrie : promenade entre mer, montagne et désert

– Syrie : Kfarbou, regards sur une communauté chrétienne


Syrie : deux mosquées (la Grande Mosquée de Hamah et la Mosquée des Omeyyades de Damas) et deux sites moyenâgeux (Château de Saladin et Krak des Chevaliers)

La Grande Mosquée de Hamah

La Grande Mosquée de Hama est une construction d’époque Omeyyade du VIIIe siècle, située sur l’emplacement d’un ancien temple romain consacré à Jupiter, devenu une basilique byzantine au IVe. La construction conserve des vestiges de ces époques : en salle de prière, par exemple, on peut voir des restes de l’ancien temple romain. Sur les murs, des inscriptions et des plaques antiques, le pavillon du khazne dans la cour (pavillon du trésor) est porté par des colonnes gréco-romaines.

La Grande Mosquée possède deux minarets, l’un construit vraisemblablement en 1124, avec une base quadrangulaire, l’autre à base octogonale, édifié par les Mamelouks vers 1470-80. La plupart des travaux successifs d’agrandissement ou de restauration de l’édifice datent de cette même période. La mosquée contient deux tombeaux de rois ayyoubides du XIIIe siècle.

La Grande Mosquée de Hama fut partiellement détruite en 1982, lors de l’insurrection des Frères musulmans, puis reconstruite par le Gouvernement.



La Mosquée des Omeyyades de Damas

La Via Recta de la vieille villequi suit le tracé du decumanus romain, constitue l’aboutissement physique et spirituel du chemin de Damas, lié à l’histoire du christianisme ; selon le Nouveau Testament, ce fut sur ce chemin que, selon les Actes des Apôtres, Paul de Tarse reçut une vision et se convertit au christianisme. 

La Mosquée des Omeyyades est située à l’extrémité Ouest du decumanus 2/long de 1,5 km, qui commence à l’Est à la Porte Sharqi (Bab Sharqi). 

Face à l’entrée de la mosquée, à l’extrémité orientale du Souk al-Hamidiyaon aperçoit les restes de l’ancien temenos 3/ romain consacré à Jupiter, qui avait été remplacé au IVe s. apJC par la basilique chrétienne de St. Jean Baptiste. Il s’agit de quatre colonnes monolithiques coiffées d’un fronton, érigées probablement sous Septime Sévère au II-IIIe siècle apJC.

Vers 664 apJC, lorsque Damas devint la capitale des Omeyyades, ceux-ci achetèrent la basilique aux chrétiens qui furent dédommagés par la construction de quatre autres églises. Entre 706 et 715 apJC, le calife al-Walid Ier fit construire la Mosquée, qui conserve encore de nos jours des restes de l’ancienne construction romaine (tours d’angles et clocher devenus des minarets, certains murs). Les nombreux marbres et mosaïques de l’édifice furent réalisés par les meilleurs artisans byzantins de l’époque. La mosquée fut endommagée lors des incursions des Mongols à Damas au XIII-XIVe siècle, ainsi que par plusieurs incendies.

Au centre de la mosquée se trouve une grande cour rectangulaire (sahn), avec sa Fontaine des Ablutions, les candélabres de Bayram, lBayt al-Mal (pavillon du Trésor) et l’édicule de l’Horloge.

La salle de prière est formée de trois nefs parallèles, coupées par un transept ; on y trouve le cénotaphe de St. Jean Baptiste, souvenir du tombeau qui, dans l’ancienne basilique byzantine, contenait la tête du Saint vénéré comme prophète par les musulmans sous le nom de Yahia.

La Mosquée présente aussi de remarquables mosaïques de style byzantin.



Le château de Saladin (Qal’at Salah ed-Din)

Situé à 33 km à l’Est de Lattaquié, dans un environnement naturel boisé et sauvage, le château est posé sur un contrefort rocheux contigu au profond vallon d’un oued. C’est une forteresse médiévale, appelée à l’origine Sahyun par les Arabes, puis rebaptisée Château de Saladin en 1957 ; les Croisés l’appelèrent Saône. Le site, défendu naturellement par deux ravins, est habité depuis l’Antiquité; on suppose que les Phéniciens de l’île d’Arwad, sur la côte syrienne, y fondèrent une colonie nommée Sigon. Il est aussi probable qu’à l’époque séleucide (301-168 avJC) on y ait construit une forteresse chargée de défendre la route qui de Lattaquié conduit à l’Euphrate par Apamée (trouée de Homs). A la fin du Xe siècle, les Byzantins y installèrent une garnison. Au début du XIIe siècle, les Croisés occupèrent la forteresse que le sultan ayyoubide Saladin leur enleva en 1188.

Le château est séparé du haut-plateau par un tranchée artificielle creusée dans la roche par les Croisés ; à son entrée s’érige un obélisque monolithique de 28 m de haut, qui servait d’appui à un pont-levis. Le long de ce fossé on voit trois tours rondes qui dominent le chemin depuis une élévation de 50 m. Le château abrite également une grande citerne de 16 m de haut et un ensemble de bains maures (hammam). Dans la partie haute de l’ensemble on voit les restes de la forteresse édifiée par les Byzantins.



Le Krak des Chevaliers (Qal’at al-Hosn)

Le Krak est l’une des fortifications les plus connues de l’époque des Croisades, mentionnée dans les sources arabes, latines, grecques et arméniennes. Elle se situe à l’Est de Tartous, sur les derniers contreforts du Jamal Ansariya en prolongement du Mont-Liban.

La forteresse, connue sous le nom de Qual’at al-Hosn (forteresse imprenable), datant de l’Antiquité, fut reconstruite en 1031, par les Abbassides menacés par les Turcs seldjoukides. Elle est une synthèse d’architectures militaires orientales et occidentales. L’émir abbaside de Homs y installa une garnison kurde ce qui valut au château l’appellation Hosn al-Akrad. Les Croisés occupèrent le Krak une première fois en 1099 puis, définitivement, en 1110 ; ils en firent un important élément défensif des Etats francs et procédèrent à des travaux d’aménagement s’inspirant aussi de l’architecture byzantine. En 1142, le Krak fut donné à l’Ordre de St. Jean qui y établit un hôpital. C’est cette cession qui valut à la forteresse l’appellation « Krak des Chevaliers ». Des tremblements de terre endommagèrent fortement la forteresse en en 1157 et 1170.

Assiégée en 1188 par le sultan ayyubide Saladin, la forteresse fut conquise en 1271 par le sultan mamelouk Baybars qui fit également procéder à de travaux d’aménagement et y construisit les tours carrées. Les Turcs ottomans y installèrent une garnison dès 1516 mais abandonnèrent la forteresse au XIXe siècle.

Durant la guerre d’agression contre la Syrie de 2012 le Krak fut occupé par les takfiristes 5/, qui y installèrent une prison. Le château fut libéré par l’armée syrienne en 2014. Autour du Krak se trouve la Vallée des Chrétiens occupée principalement par des villages chrétiens mais aussi musulmans. Depuis le Krak occupé, les takfiristes passaient leur temps à tirer sur les maisons et leurs habitants, faisant de gros dégâts et n’épargnant même pas les mosquées. Une partie des habitants se réfugièrent à l’étranger, mais la reconstruction est maintenant en route et beaucoup reviennent.

Visuellement, la masse compacte du Krak est très imposante et on le dirait construit pour l’éternité. Il comporte un château extérieur et un château intérieur, des écuries, des salles de réception, un immense four et un grand bassin pour recueillir l’eau de pluie, des cuisines, des dépôts d’huile d’olive, des réfectoires, une église transformée en mosquée.



2/ Le cardo et le decumanus définissent dans la ville romaine les deux axes (respectivement Nord-Sud et Est-Ouest) structurant le centre ;

3/ Définit, dans la Grèce antique, l’espace sacré constituant un sanctuaire, lorsqu’il est délimité par une enceinte appelée péribole qui peut prendre plusieurs formes (bornes, clôture, mur, portique) ;

5/ Le wahhabisme  est une doctrine rigoriste, officielle en Arabie saoudite, qui considère apostats les musulmans qui ne s’y soumettent pas. Il se rapproche du salafisme dont la variante djihadiste ne reconnaît pas les frontières établies dans le monde musulman et prône l’instauration d’un Etat islamique et le rétablissement du califat sous une forme violente. Le takfirisme est un mouvement sectaire qui pratique une idéologie de force et qualifie d’hérétiques les musulmans ne partageant pas son point de vue. C’est de ces trois doctrines que s’inspirent les groupes de combattants anti-gouvernementaux, pour la plupart étrangers, à l’oeuvre en Syrie. Les noms les désignant changent en fonction de la conjoncture politique.


Cosimo Nocera est historien et guide du Musée national de Bangkok. Il a vécu et travaillé en Italie, Suisse et en Amérique andine (Pérou, Equateur et Bolivie). Après un long séjour en Asie du Sud-Est, il vit actuellement en Suisse française.

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