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Temples khmer du Cambodge/4Quelques temples des provinces de Kampong Thom et de Preah Vihear

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Cette contribution comporte les 5 articles suivants :

– Les origines de l’Empire khmer : bref historique ;

– Monarchie, art et architecture : périodisation de l’histoire des Khmer ;

– Quelques temples de la province de Takeo (Sud-Ouest) ;

– Quelques temples des provinces de Kampong Thom et Preah Vihear ;

– Quelques temples de la province de Siem Reap.


Quelques temples des provinces de Kampong Thom et Preah Vihear

Prasat Andet

Situé à 27 km au Nord-Ouest de Kampong Thom, cette tour du VIIe siècle, en style Kampong Preah, a été construite pour la divinité Harihara sous le roi Jayavarman Ier.

Une statue de Lakshmi qui s’y trouvait a été transférée au Musée national de Phnom Penh.

La tour est située près d’un temple moderne, sur une colline artificielle. Sa coupe est rectangulaire, les matériaux utilisés pour sa construction sont la brique, le grès et la latérite, elle est ouverte vers l’Est.

Elle présente un linteau à guirlandes.



Les routes royales khmer

Les monarques khmer mirent en place un important réseau routier irradiant à partir de la capitale. Ce réseau est mentionné dans plusieurs inscriptions. C’est notamment sous le roi Jayavarman VII (XIIe siècle) que ces routes ont été dotées d’un système de constructions comprenant des temples, des ponts, des auberges avec leurs chapelles et hôpitaux.

L’une des routes les plus importantes était celle qui, sur 225 km, en passant par le col de Ta Muen dans les montagnes Dangrek, mettait en relation la capitale avec Phnom Rung et Phimai dans l’actuelle Thaïlande du Nord-Est, une région faisant alors partie de l’Empire khmer.

D’autres routes importantes menaient, à l’Est vers Beng Mealea et Preah Khan, au Nord-Est vers Koh Ker et le Champa, au Sud-Est vers Kampong Thom et Sambor Prei Kuk, à l’Ouest vers Banteay Chhmar.

Ces routes avaient des buts à la fois militaires et commerciaux; il n’en reste que peu de traces visibles si ce n’est quelques ponts et la suite de constructions qui les flanquaient. (cf. art. Les Khmer en Thaïlande/4). Ci-après, les images d’un très vieux pont pré-angkorien, situé sur la route royale qui reliait la capitale à Kampong Thom, le pont Kompong Kday, construit au VIIe siècle. Comme tous les ponts de l’époque, à ses extrémités Kompong Kday est muni d’imposantes sculptures représentant des Naga gardiens, ainsi que de stèles gardiennes avec les images de divinités.



Sambor Prei Kuk

La particularité de cet ensemble de 300 temples consacrés à Shiva, disséminés dans une forêt clairsemée sur une surface de 25 km2, à 35 km au Nord-Est de Kampong Thom, est d’avoir été construits sur le site d’Isanapura, l’ancienne capitale du Tchen-la d’eau (cf. art. Temples khmer du Cambodge/1). Ils ont donné leur nom à un style pré-angkorien (cf. art. Temples khmer au Cambodge/2).

L’ensemble est considéré comme l’archétype des plans d’urbanisme et d’aménagement hydraulique mis en oeuvre par les souverains de l’Empire khmer.

L’architecture des tours construites en briques sur des bases en grès est d’inspirations indienne ; ils sont entourés d’enceintes avec leurs douves.

Les constructions sont subdivisées en trois groupes appelés, au Nord, Prasat Sambor, au Centre, Prasat Tao et au Sud, Prasat Yeay Peau

On peut voir encore de nos jours les cratères résultant de bombardements des USA durant les guerres d’Indochine.

Le style de ces anciens temples reflète deux périodes différentes : le Tchen-la d’eau du VIIe siècle et la dynastie angkorienne du Xe siècle. On y trouve des inscriptions relatives à ces deux périodes : celles du VIIe mentionnent le nom d’Isanavarman Ier, roi du Tchen-la, et celles du Xe, le nom du roi Rajendravarman II. A l’origine, chaque tour contenait une statue du panthéon indien, dont beaucoup ont été volées par la suite. Au Musée national de Phnom Penh on conserve une statue de Durga et une statue d’Harihara provenant de Sambor Prei Kuk (des copies de ces oeuvres d’art ont été réinstallées dans deux tours).

Les décorations consistent en scènes du Ramayana sous forme de médaillons ou de palais volants où des divinités volent d’un lieu à l’autre.



Kok Ker

Koh Ker a été la capitale Cambodge de 928 à 944, sous le règne de Jayavarman IV ; elle est située à 100 km au nord-est d’Angkor, dans la province de Preah Vihear.

C’est un grand ensemble de temples dominé par le Prasat Thom, un temple-montagne de 30 mètres de haut, s’élevant au-dessus de la plaine et les forêts alentour.

Ce temple mis à part, on découvre à Kok Ker diverses tours en plus ou moins bon état, un grand baray et beaucoup de monuments effondrés.

Le site est une symphonie de pierres, aux couleurs rehaussées par l’oxydation, et des arbres environnants, qui ont pu se développer pendant des centaines d’années et s’infiltrer parmi les ruines sans être dérangés.

Des travaux de restauration sont actuellement en cours.



Pillages

Situé à l’écart des voies de communication modernes, le site de Koh Ker a été abondamment pillé. Dès les années 70 et surtout dans la décennie 1980-90, des dizaines de ses statues et décorations ont été enlevées et exportées via la Thaïlande, notamment à Londres et en Belgique, puis revendues par les soins de grandes maisons spécialisées, généralement à des musées et particuliers aux Etats-Unis. Les autorités cambodgiennes et des archéologues français et états-uniens se sont battus pendant des décennies pour retrouver et rapatrier au Cambodge ces trésors volés.

Nous ne citerons qu’un cas particulier, représentatif de l’ensemble de ces actes de pillage. Il s’agit d’un ensemble statuaire de deux personnages engagés dans une lutte, pillé dans les années 70-90 du XXe siècle. En 2011, les archéologues ont identifié l’un des deux lutteurs dans une vente aux enchères à New-York. Ils ont rapidement pu l’identifier, « en premier lieu, à partir des études iconographiques : devant la présence avérée de tel personnage épique ou divin au sein d’un programme sculpté, nous pouvions déduire qu’à ses côtés se trouvait forcément tel ou tel autre. Et comme la statuaire de Koh Ker possède des caractéristiques stylistiques tout à fait uniques, il y avait assez peu d’hésitation possible devant des œuvres qui correspondaient par leur iconographie aux pièces manquantes du décor pillé. De plus, nous avions à faire à des statues en ronde-bosse monolithes avec leurs piédestaux : ceux-ci n’offrant aucune valeur marchande, les pilleurs avaient brisé au burin les statues à hauteur des chevilles, laissant les socles sur place. L’identification précise des personnages formant ces groupes sculptés, associée à l’examen des vestiges restés dans les temples, ont permis d’apporter les preuves concrètes de l’origine des œuvres. » (entretien avec l’archéologue Eric Bourdonneau, de l’EFEO, dans Sciences et Avenir, 7.6.2016). L’oeuvre a finalement été restituée au Cambodge, mais le second personnage demeure encore introuvable.



 

Cosimo Nocera est historien et guide du Musée national de Bangkok. Il a vécu et travaillé en Italie, Suisse et en Amérique andine (Pérou, Equateur et Bolivie). Après un long séjour en Asie du Sud-Est, il vit actuellement en Suisse française.

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