Marie et les pères de l'Eglise, Monastère Deir Mar Moussa al-Habachi, SyrieArts | France | Italie | Religion | Suisse | Syrie
Peintures anciennes d’églisesLe catéchisme sur les murs, introduction/11
Les peintures des murs d’églises
Les peintures murales sont le centre d’intérêt de notre série d’articles « Le catéchisme sur les murs » ; plus précisément, nous nous intéressons aux peintures médiévales, sur une période allant dans les grandes lignes de la chute de l’Empire romain d’Occident (conventionnellement située au moment de l’abdication de l’empereur Romulus Augustulus, le 4 septembre 476) à la fin de l’Empire romain d’Orient (située au moment de la chute de Constantinople en 1453).
La présente suite d’articles introductifs sert de mise en contexte à cette série, qui s’attache à montrer, souvent sous la forme d’articles thématiques ou historiques, quelques églises suisses, italiennes et françaises possédant des peintures murales médiévales.
Articles introductifs:
1. Le christianisme et l’art. Pour ou contre l’image ? La Bible des pauvres
2. Les Morts et les Vivants
3. Les Saints : Saint Christophe, le Christ du Dimanche
4. Le Jugement Dernier, l’Enfer, la Gueule d’enfer, le Diable
5. Le Purgatoire, le Paradis, les Anges
6. Thèmes liés à Marie : Notre Dame de la Miséricorde; Annonciation
7. Les Saints : Saint Nicolas de Flüe
8. La Trinité
9. Peintures médiévales d’églises : curiosités 1
10. Peintures médiévales d’églises : curiosités 2
11. Peintures anciennes d’églises
12. Plafonds peints d’églises médiévales
13. Les Saints : Saint Georges, Saint Michel
14. Les Saints : Saint Sébastien, Saint Martin
15. Les Saints : Saint Pierre, Saint Laurent
16. Livre de la Genèse : création du monde, Adam et Eve, Noé et le Déluge, Caïn et Abel; Vices et Vertus
Peintures anciennes d’églises
Les premières images chrétiennes peintes apparaissent à la fin du IIe, début du IIIe siècle ; elles ne représentent pas l’art officiel de l’Église, mais un art populaire. L’Église professe encore des attitudes iconoclastes : le concile d’Elvire, tenu en l’an 305 ou 306, interdit les représentations divines dans les églises.
Le IIIe siècle est surtout connu par la peinture des catacombes et les compositions des mosaïques de Rome et Ravenne.
Les premières images du IIIe siècle s’appuient sur l’iconographie gréco-romaine, transposée en langage chrétien : saisons, phénix, navire, palme, pêcheur, banquet, colombe, agneau. Hermès devient Moïse, la Pietas romaine se reconnaît dans la Vierge orante. Certains emprunts ont été faits au monde judaïque ou au Nouveau Testament : le Bon Pasteur, Daniel dans la fosse aux lions, Noé, Adam et Eve, Suzanne et les vieillards, etc.
Après l’Edit de Milan (313 apJC) par lequel l’empereur Constantin accorde la liberté de culte, de nombreux lieux de culte sont construits et dotés de mosaïques et peintures, destinées à la fois à l’ornementation et à la catéchèse, dans le but d’instruire les fidèles alors largement analphabètes ; le prêtre pouvait s’aider des supports iconographiques pour illustrer ses prêches.
Petit à petit les peintres chrétiens se constituent un langage propre, inspiré des Evangiles : p. ex. les épisodes de la naissance et de la vie de Jésus. Le Christ y apparaît sous la figure du Pantocrator, suivi des apôtres, des martyrs, parfois de la Vierge et de l’Enfant.
Ce langage chrétien commun intègre des influences occidentales et orientales.
La technique des peintures s’apparente à la fresque, la gamme chromatique est limitée aux blancs, rouges et verts auxquels s’ajoutent parfois le bleu et le noir.
Des centres artistiques, où le christianisme est fortement présent, se dessinent : Rome, Constantinople, Alexandrie, Jérusalem, Antioche.
Périodes artistiques du Moyen-Age
Les limites temporelles du Moyen Âge sont sujettes à de nombreuses interprétations, celle, classique, que nous avons retenue allant de l’an 476 (abdication du dernier empereur romain Romulus Augustulus) à 1492 (voyages de Colomb en Amérique).
Les historiens de l’art distinguent divers mouvements ou périodes dont voici les principales:
– l’art paléochrétien, situé entre l’an 200 et le VIIIe siècle ; pendant cette période les artistes chrétiens se sont basés sur l’héritage romain ; dès le début du IIe siècle, les murs des catacombes (Rome, Naples, Syracuse, Malte, etc.) sont ornés de symboles chrétiens, puis, surtout aux Ve et VIe siècles, de personnages bibliques ;
– l’art byzantin, s’étendant sur toute la période, avec une interruption entre 730 et 843 où a fait rage l’iconoclasme, caractérisé par la destruction des images religieuses. Cet art s’est manifesté dans l’empire romain d’Orient, mais il a exercé son influence sur l’art d’Europe occidentale ; fondé sur l’abstraction et le symbolisme plutôt que sur le naturalisme, il a influencé l’art carolingien tout en transformant le hiératisme des figures, l’allongement des corps en un plus grand envol de mouvements ;
– l’art préroman, s’étendant de l’avènement de l’empereur Charlemagne en l’an 800 jusqu’au XIe siècle, incluant l’art carolingien et l’art ottonien. Le premier comprend une période de 120 ans (780-900), le second, émanant du Saint Empire romain germanique, s’étend de 900 à 1050.
Cette période n’a laissé que peu de traces peintes, la plupart ayant subi les dégradations du temps ou des événements historiques ;
– l’art roman, qui lui succède, va du XIe au XIIe-XIIIe siècle ; le XIe siècle est caractérisé par une augmentation de la population et la construction de nombreux monastères, églises et abbayes en pierre. Cela permet à la peinture de se prévaloir de grandes surfaces à décorer : les églises romanes étaient entièrement peintes et constituaient une Bible de pierre (le Catéchisme sur les murs) destinée à l’édification des fidèles généralement illettrés.
Les voûtes et murs des édifices religieux se recouvrent de fresques ayant pour thèmes des épisodes des Evangiles et les vies des saints. Les peintures ont d’abord un style réaliste et sont agrémentées de détails, puis se font moins naturalistes et plus sévères. L’usage de la mosaïque diminue ;
– l’art gothique, apparu d’abord sous forme d’architecture vers 1140, puis de peinture au XIIIe siècle et qui laissera sa place à l’art de la Renaissance (XIV-XVIIes siècles).
Les images ci-dessous illustrent quelques peintures d’églises de Suisse, d’Italie, de France et de Syrie des IX-XIIIes siècles.
Riva San Vitale/Tessin/Suisse, Baptistère
Ce baptistère est le plus ancien bâtiment religieux de Suisse; construit au Ve siècle sur l’emplacement d’un « vicus » (habitat) romain, il garde des peintures dues IX-XI-XVes siècles, ainsi qu’un font baptismal.
Aoste, Collégiale de Saint Ours
Construite au Ve siècle, au-dessus d’une église paléochrétienne, l’église de Saint Ours a été reconstruite à l’époque du premier évêque valdôtain Anselme, entre 994 et 1025. En 1133 y fut adjoint un imposant cloître; l’aspect actuel du bâtiment date de 1642. A la fin du XVe siècle, le prieur Georges de Challant fit restructurer les arches et voûtes de l’église, ce qui eut pour conséquence l’occultation des fresques du XIe siècle; celles-ci restèrent toutefois conservées dans les combles.
Briga Novarese, Novara/Italie, San Tommaso
Construite au XIe siècle, la chapelle-oratoire de San Tommaso renferme des fresques romanes du XIe siècle, d’auteur inconnu, révèlant des influences byzantines.
Le Villars, Saône-et-Loire/France, Prieuré
Relevant du diocèse d’Autun, ce prieuré a été construit au XIe siècle.
Les Allinges, Haute-Savoie/France, Chapelle St. Jean du Château Neuf
Au IXe siècle, les seigneurs des Allinges bâtirent sur un éperon rocheux sur les hauteurs du lac Léman deux châteaux, le Chateau vieux, dont ne subsistent que des restes, et le Château Neuf abritant la chapelle St. Jean. C’est dans cette chapelle que se trouvent des peintures romanes du XIe siècle.
Negrentino, Tessin/Suisse, Eglise San Carlo
Cette église romane du XIe siècle est riche en décorations remontant à trois époques distinctes (XI-XVIes siècles). Une fresque du XIe siècle, révélant des influences byzantines, représentant le Christ (Ascension, Jugement Universel ou Résurrection) et les apôtres, date de l’église d’origine.
Berzé la Ville/Saône et Loire/France, Chapelle des Moines
Sur une terre appartenant à l’Abbaye de Cluny, un prieuré fut fondé au Xe siècle ; cet établissement passa à l’Abbaye en 1088 et devint le lieu de séjour de l’abbé Hugues de Semur qui, dès la fin du XIe siècle, fit construire une chapelle privée.
Les fresques, peintes par l’atelier de Cluny III, sont datées de 1105-1115 et révèlent des influences byzantines et romaines.
Monastère Deir Mar Moussa al-Habachi, région de Damas, Syrie
Selon la légende, le nom du monastère vient de Moussa (Moïse), prince abyssin qui se retira en ces lieux au VIe siècle pour y mener une vie ascétique dans une petite grotte.
Un manuscrit syriaque de 575 mentionne l’existence d’un monastère ; l’église actuelle date de l’an 1050 et relevait du rite syriaque antiochien (rite orthodoxe oriental). Aux XIe et XIIe siècles, l’église fut décorée de fresques, récemment restaurées.
Après avoir été longtemps désaffecté, le monastère a repris vie à la fin du XXe siècle et abrite actuellement une petite communauté religieuse toujours de rite syriaque.
Galliano, Como/Italie, Basilique St Vincent
La fondation d’un lieu de culte consacré au martyre de St Vincent de Saragosse remonte au Ve siècle. La basilique actuelle date du Xe siècle : elle a été transformée au XIe siècle par l’archevêque de Milan, Ariberto da Intimiano, qui est aussi le commanditaire des peintures; celles-ci ont été restaurées en 1975.
L’abside présente une grande théophanie (manifestation de Dieu) et des scènes du martyre de St Vincent d’inspiration byzantine, datées de 1007. L’état de conservation des peintures présentes sur les murs de la nef, également datées de 1007, n’est pas très bon : elles représentent des scènes bibliques et hagiographiques.
Zillis/Ziràn, Grisons/Suisse, St Martin
Une première église fut construite en l’an 500, suivie d’une seconde en 830 ; entre 1009 et 1114 l’on construisit l’actuelle nef et un peintre inconnu la dota d’un plafond peint.
Ce plafond est constitué de 153 panneaux, en bois de sapin, ordonnés selon divers thèmes : les Testaments, la vie et la passion de Jésus, la vie des Saints, mais aussi des situations fantastiques. Ci-après, nous allons présenter quelques images d’un bestiaire mettant en scène des animaux fabuleux.
Vogorno, Tessin/Suisse, San Bartolomeo
L’église date du XIIIe siècle ; elle contient des fresques d’inspiration byzantine, du XIIIe siècle, dont on ne connaît pas l’auteur.
Sureggio, Tessin/Suisse, San Pietro
L’église, construite à l’origine sur un oratoire carolingien, conserve un clocher roman du XIIe siècle et possède des peintures du XIIe siècle. Particulièrement intéressante est une vue de la ville de Milan signalée par une inscription ad hoc, accompagnée pour des raisons inconnues par l’image d’une autruche également nommée par une inscription
Rossura, Tessin/Suisse, Santi Lorenzo e Agata
Située dans la Vallée de la Leventina, sur la Strada Alta, l’ancien chemin qui connectait le col du St Gothard et la plaine du Po, l’église a été construite au XIe siècle. Elle présente diverse peintures datées entre le XIIIe et le XVe siècle.
Villadossola, Verbano-Cusio-Ossola/Italie, Santa Maria Assunta
A ses origines, l’église était vraisemblablement une cappella ad castrum faisant partie d’un château aujourd’hui disparu. C’est la cripte carolingienne, datée du X-XIe siècle, qui est sa partie la plus ancienne ; l’église actuelle, construite aux siècles XI-XII, présente deux absides jumelles superposées.
Elle possède des peintures allant de fin XII-début XIIIe siècle au XVe.
Illiat, Ain/France, St Symphorien
Le premier élément prouvant l’existence d’un lieu de culte est un petit autel paléochrétien datant du Ve ou du VIe siècle; néanmoins, l’édifice dans son état actuel date du XIIe siècle.
L’abside contient des fresques romanes du XIIe siècle représentant un épisode de la Résurrection du Christ.
Payerne, Vaud/Suisse, Abbatiale
L’Abbatiale a été construite au XIe siècle en tant qu’église d’un monastère bénédictin clunisien. Après la Réforme protestante, imposée par Berne en 1536, le monastère est fermé en 1565. L’abbatiale, conservée, fait l’objet d’une attention accrue dès la fin du XIXe siècle et est restaurée entre 2007 et 2020.
Elle contient des fresques datant des XI-XIIes siècles.
Brancion, Saône-et-Loire/France, St Pierre
Après une première église construite en l’an 964, l’actuelle église Saint-Pierre a été édifiée au XIIe siècle par les seigneurs de Brancion. Elle a été restaurée à plusieurs reprises, mais peu remaniée.
Ses fresques datent du XIIIe siècle ; leur auteur n’est pas connu.
Boschero, Tessin/Suisse, Oratorio di San Remigio
Ce petit oratoire roman du XIIIe siècle présente des fresques datées du même siècle, d’auteur inconnu.
Lacenas, Rhône/France, Chapelle St Paul
La chapelle Saint-Paul date de la deuxième moitié du XIIe siècle ; on suppose qu’elle était fortifiée et son clocher a été reconstruit au XIVe siècle.
Elle possède des fresques datées de la fin du XIIIe, début du XIVe siècle ; les couleurs dominantes rouges, orange et jaunes, proviennent principalement de l’oxyde de fer des pierres locales.
St Romain-des-Îles, Saône-et-Loire /France, église St Romain
L’église romane a été construite à la fin du XIe ou au début du XIIe siècle sur le site d’un important prieuré de l’abbaye de Tournus. La Diète impériale de 842, marquant le début du partage de l’empire carolingien, s’est tenue autour de cette église.
Des peintures du XIIIe siècle n’en subsistent que deux, d’auteur inconnu.
Moutier, Suisse, chapelle de Chalières
Cette chapelle, érigée au XIe siècle, est un ancien site carolingien.
Elle contient de belles fresques du XIe siècle dont le style les rapproche des fresques ottoniennes de l’Abbaye de Reichenau, dans la région du lac de Constance, en Allemagne.
Certains chercheurs affirment que l’empereur du Saint-Empire aurait commandité ces fresques et qu’Henri II aurait inauguré personnellement la chapelle en l’an 1090 ; cela est toutefois contesté par d’autres chercheurs.
Spiez, Suisse, église du Château
Au VIIe ou VIIIe siècle une petite église fut édifiée près du château de Spiez, à côté de laquelle on découvrit un tombeau carolingien contenant les restes d’un chevalier qui avait dû être son fondateur. En l’an mille cette église fut démolie et on édifia l’église actuelle. Vers le début du XIIIe siècle l’église fut dotée de peintures dont l’auteur n’est pas connu.
Cosimo Nocera est historien et guide du Musée national de Bangkok. Il a vécu et travaillé en Italie, Suisse et en Amérique andine (Pérou, Equateur et Bolivie). Après un long séjour en Asie du Sud-Est, il vit actuellement en Suisse française.


















































































































































































